Travail, chômage, pouvoir d\'achat
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par Louis Maurin, Noam Leandri, du site Observatoire des Inégalités
Tout en critiquant le « haut » niveau de protection sociale dont disposent les plus faibles, les hauts dirigeants négocient pour eux-mêmes des protections gigantesques. Un point de vue de Noam Leandri et Louis Maurin, de l’Observatoire des inégalités.
La France est un pays dans lequel vivent beaucoup d’ « assistés ». C’est une bonne chose : la solidarité nationale nous permet d’être globalement mieux logés, mieux soignés, réduit le nombre de familles à la rue, etc. Mais le soutien de la collectivité ne se résume pas aux plus pauvres, loin s’en faut. Le haut de la hiérarchie sociale fait la leçon à une France qui peine à boucler ses fins de mois, alors qu’il profite largement de nombreux soutiens, tant de notre modèle social et que des entreprises.
Comment évaluer le nombre d’« assistés » par la collectivité que compte notre pays ? En adoptant une vision restrictive, on peut y inclure les titulaires des prestations sociales, qu’elles soient universelles (comme les allocations familiales) ou ciblées sur les plus modestes (les allocations logement par exemple). Les minima sociaux font vivre 6,9 millions de personnes – soit 10 % de la population – d’après le ministère des Solidarités (donnée 2018). 4,3 millions de salariés aux faibles revenus perçoivent la prime d’activité qui élève leur niveau de vie ainsi que celui de leur famille, ce qui représente une population totale de plus de 8 millions de personnes en 2019. Pas moins de 13,5 millions de foyers sont allocataires de la Caisse d’allocations familiales (Caf), ce qui représente une population de 32,5 millions de personnes [1]. Plus de trois millions de chômeurs sont indemnisés chaque mois. Il faut encore mentionner les aides sociales aux démunis, que ce soit pour l’hébergement, la santé, la garde d’enfant, versées au cas par cas par les Caf, l’assurance maladie et les collectivités locales.
On ne peut pas additionner ces chiffres, car certaines personnes seraient alors comptabilisées deux fois. Mais cela fait du monde. Sans compter tous ceux qui ne travaillent plus ou travaillent moins en raison de la situation sanitaire et qui sont indemnisés par la collectivité, soit sous forme de chômage partiel, soit de maintien de traitement pour les fonctionnaires, comme ce fut le cas pendant le premier confinement.
La critique de « l’État-providence » – un système développé de protection sociale – remonte à la seconde moitié du XIXe siècle. Mais contrairement à une idée reçue, les pauvres d’aujourd’hui avec leurs 500 euros mensuels de revenu de solidarité active (RSA) sont loin d’être les seuls à bénéficier de ce système. Retraites, remboursements de soins, allocations chômage ou allocations familiales : les catégories aisées profitent aussi très largement de l’argent distribué par la collectivité. Parmi les trois millions de chômeurs et les quinze millions de retraités, on ne compte pas uniquement des catégories populaires, tant s’en faut.
Certaines aides sont même ciblées sur les plus riches. C’est le cas par exemple des très nombreuses réductions d’impôts (aussi appelées « niches fiscales »). Elles vont coûter en 2021 la bagatelle de 86 milliards d’euros à la collectivité en pertes de recettes. Le recours aux femmes de ménage et autres personnels à domicile par exemple est largement subventionné [2]. En 2021, à elle seule, cette niche fiscale va coûter 3,8 milliards d’euros de recettes à l’État ! L’équivalent de ce que coûterait un minimum social à destination des jeunes de 18 à 24 ans qui en demeurent exclus aujourd’hui. Des travaux à domicile aux investissements dans les DOM, en passant par l’immobilier locatif, les niches fiscales concernent pour l’essentiel les plus aisés. Ainsi, 44 % du crédit d’impôt pour l’emploi de personnel à domicile vont aux 10 % des contribuables les plus favorisés selon une étude parue en 2018 [3]. Quant au mécanisme de « quotient familial » de l’impôt sur le revenu, il procure un avantage qui augmente avec le niveau de vie et le nombre d’enfants (avec un plafond tout de même). Plus vous gagnez, plus un enfant réduit votre impôt. 30 milliards d’euros sont ainsi distribués et la moitié des gains est concentrée sur le quart des ménages les plus aisés [4]. L’avantage se monte à 1 567 euros annuels par enfant à partir de 5 000 euros de revenus mensuels pour un couple, l’équivalent de trois mois de RSA ! En revanche, une famille d’allocataires des minima sociaux, non imposable par définition, ne verra jamais la couleur d’un tel avantage.
En plus des niches fiscales, une grande partie des services publics financés par la collectivité bénéficient davantage aux riches qu’aux pauvres. Prenons l’exemple de l’école : compte tenu des inégalités sociales qui existent dans l’enseignement supérieur, l’État dépense bien davantage pour les enfants de cadres supérieurs, qui font beaucoup plus souvent des études longues, que pour ceux d’ouvriers. Selon nos estimations à partir des données du ministère de l’Éducation, un jeune qui quitte l’école à 16 ans aura coûté environ 100 000 euros à la collectivité, celui qui va jusqu’au bac pro, environ 130 000 euros. Mais un élève d’une grande école coûte au minimum 200 000 euros, beaucoup plus encore dans les établissements les plus élitistes. Au sommet, dans les écoles les plus prestigieuses du pays que sont l’École nationale d’administration (Ena), l’École normale supérieure et Polytechnique notamment,les élèves, quasiment tous issus des familles les plus aisées du pays, sont même payés pour étudier. On retrouve le même phénomène dans bien d’autres domaines de l’intervention publique, comme en matière de politique culturelle. Musées, théâtres, opéras ou conservatoires de musique : les loisirs culturels sont massivement subventionnés, alors qu’ils sont fréquentés en grande partie par une minorité très diplômée et aisée.
Pour aller encore plus loin, il faudrait dresser le bilan des baisses d’impôts qui ont eu lieu depuis le début des années 2000, massivement orientées vers les couches aisées. Pour ne prendre qu’un exemple : les manifestations des « gilets jaunes » de 2018 et 2019 trouvent leur source dans le décalage entre le montant des cadeaux fiscaux faits aux plus aisés en 2017 et les efforts demandés aux autres catégories sociales. Dernier cadeau en date, la suppression totale de la taxe d’habitation va faire encore gagner quelques milliers d’euros à ceux qui vivent dans de luxueux appartements, contre quelques dizaines d’euros à ceux qui occupent de petits studios. On pourrait facilement allonger cette liste. Coût pour la collectivité : 20 milliards par an, deux fois ce qu’il faudrait pour éradiquer la pauvreté en France ou un tiers du budget de l’éducation nationale.
Au-delà de la seule sphère publique, les plus aisés savent très bien comment profiter de soutiens très variés. Des voitures de fonction à usage personnel aux invitations (concerts, spectacles, représentations sportives, etc.) distribuées gracieusement en toute légalité par des entreprises ou des institutions publiques, en passant par des congés tous frais payés par un tiers… Une partie des plus favorisés arrivent à faire prendre en charge une partie de leurs dépenses privées. Autre illustration dans le secteur privé : Carlos Ghosn, ancien patron de Renault, avait bénéficié du château de Versailles pour fêter son anniversaire aux frais de l’entreprise. Autant d’argent qui n’ira pas dans la poche des salariés.
Tout en critiquant le « haut » niveau de protection sociale dont disposent les plus faibles, les hauts dirigeants négocient pour eux-mêmes des protections gigantesques financées par leur entreprise, qui les mettent à l’abri pour plusieurs générations en cas de départ involontaire. Ainsi l’ancien patron d’Airbus, Tom Enders, débarqué en avril 2019, a reçu 37 millions d’euros d’indemnités de départ, plus de 20 siècles de smic. Il touchait déjà un revenu de plus de 3 millions par an. Au-delà, les revenus que certains grands patrons s’octroient suffisent à les protéger du besoin pour plusieurs générations. François-Henri Pinault, président de Kering (luxe) a perçu en 2019 pas moins de 22 millions d’euros de bonus pour avoir « rempli ses objectifs ». L’équivalent de 1 200 ans de smic.
Lutter contre les profiteurs
Ceux qui contestent le principe même d’allocations pour les plus démunis d’un côté ou la gratuité de l’enseignement de l’autre sont en réalité peu nombreux. Les fondements de la protection sociale sont très largement partagés dans notre pays. Ce que nous jugeons inadmissible, c’est que certains profitent sans raison valable du système, quel que soit leur milieu social. Dans un système développé de protection sociale et de services publics, les abus existent inévitablement. De même que la criminalité sévit dans tous les pays, tous les systèmes publics entraînent leur lot de « profiteurs ». Selon la Cour des comptes, seules les caisses d’allocations familiales disposent de données fines : la fraude représenterait 3 % des dépenses, et encore cela comprend un lot d’erreurs et d’omissions… Le non-recours aux aides de la collectivité représente des sommes d’une toute autre dimension, bien plus grande. On oublie très souvent qu’une partie des bénéficiaires potentiels ne demandent rien et rasent les murs pour ne pas être stigmatisés. Selon les estimations, entre 14 % et 36 % des allocataires potentiels du RSA n’y auraient pas recours, pour un grand nombre de raisons qui vont du refus au manque d’information [5].
L’histoire montre que les profiteurs sont répartis dans tous les milieux de la société, riches ou pauvres. Sauf que les profits ne sont pas du même niveau. Par exemple, l’ancien premier ministre François Fillon a été condamné pour avoir bénéficié d’emplois fictifs. En plus des 375 000 euros d’amende, il doit rembourser les sommes dont il a indûment profité à la hauteur d’un million d’euros, l’équivalent de plus d’un siècle et demi de RSA ! Dit autrement, c’est autant que si 160 titulaires de RSA avaient fraudé pendant un an. Grands et petits fraudeurs ne jouent pas dans la même cour.
Pour un titulaire d’un minimum social qui assure ses fins de mois « au noir », combien de familles ne déclarent pas leurs employés de maison pour ne pas payer de charges sociales ? Pour une mère seule qui ne signale pas immédiatement un nouveau compagnon pour continuer à toucher l’allocation parent isolé, combien de milliardaires se soustraient à l’impôt par des techniques d’évasion à la limite de la légalité ? Pour un salarié qui « profite » de quelques jours d’arrêt de travail, combien d’employeurs ont utilisé la prise en charge du chômage partiel du fait de la crise sanitaire pour faire payer à la collectivité des heures de travail en réalité réalisées ?
Bizarrement, la presse, particulièrement dure pour les « assistés », reste très clémente envers ces pratiques patronales, alors que notre pays traverse une profonde crise sanitaire. Ce « deux poids, deux mesures » attise le sentiment d’injustice. Il est d’ailleurs tout à fait étonnant d’entendre les représentants des entreprises les plus fermement opposés à la dépense publique hier, aujourd’hui se plaindre de l’insuffisant soutien collectif à leur activité. Les abus des riches ne justifient pas ceux des pauvres, mais il faudrait remettre les pendules des responsabilités à l’heure. Pour les uns, il s’agit d’améliorer un ordinaire minimum et morose, pour les autres d’accumuler toujours plus.
Tous assistés ?
Sommes-nous tous des assistés ? Oui, et c’est une bonne chose. Pour partie, notre système social soutient davantage ceux qui en ont le plus besoin : c’est l’expression de la solidarité nationale, de la « fraternité » de notre devise nationale, valeur largement partagée. Contrairement à ce que l’on laisse entendre, les Français soutiennent massivement les plus pauvres. Pour partie aussi, notre système offre des services publics de qualité à tous, riches ou pauvres, par un juste souci d’universalité. Si l’on veut maintenir un système où les plus aisés contribuent davantage que les autres, on ne peut pas réserver les droits aux plus démunis : il n’aurait plus de légitimité aux yeux de l’ensemble des contributeurs. La gratuité de l’école et le financement des musées et des bibliothèques sont destinés à les rendre plus accessibles et favoriser leur démocratisation. Il faut les préserver.
Tout est question de dosage. Trop de prestations sous conditions de ressources alimentent une critique du système par ceux qui se situent au-delà de ces conditions mais qui ne disposent pas des autres protections dont bénéficient les plus riches. Pour cela, certains parlent de « courbes en U » des politiques sociales. C’est actuellement le cas, par exemple, pour les catégories qui se situent juste au-dessus du plafond de revenu qui permet de toucher les allocations logement, mais en deçà des classes aisées qui profitent des réductions d’impôts. Une partie de la classe politique pointe du doigt « l’assistanat » des plus démunis pour tenter de séduire les couches moyennes tout en fermant les yeux sur l’ensemble des avantages dont bénéficient les couches les plus aisées.
La critique des « privilèges » est à la mode. Dans la sphère publique, les niches fiscales, coûteuses et inefficaces, sont dénoncées, mais à peine réduites. Les avantages dont jouissent les enfants de diplômés à l’école sont connus, mais rien n’est proposé pour transformer réellement le système. Une bourgeoisie culturellement favorisée, de droite et de gauche, défend son élitisme social et ses grandes écoles sous couvert d’« élitisme républicain ». Au nom de la création, la politique culturelle française (des musées aux conservatoires, en passant par l’opéra) se soucie peu de démocratiser le public. Dans la sphère de l’entreprise aussi, les protections et les niveaux de rémunérations démesurés sont aujourd’hui très largement discutés, parfois par les intéressés eux-mêmes… Ainsi, par exemple, le patron de Danone avait revendiqué en mai 2020 [6] une plus forte contribution des plus fortunés, puis s’est résigné à licencier en novembre pour sauver les dividendes de ses actionnaires.
La leçon sur l’assistanat donnée par des catégories qui profitent, bien plus que les autres, des largesses de l’État-providence et de l’entreprise, et qui sont tout autant présentes parmi les fraudeurs, est à la fois moralement inacceptable et politiquement risquée. Tout en croyant rassurer la France populaire, elle engendre un décalage dévastateur entre les discours et les actes, attisant un populisme dont profite largement l’extrême droite.
Noam Leandri, président de l’Observatoire des inégalités.
Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
Photo/© Kazuo Ota
[1] Au passage, de très nombreux étudiants de familles aisées perçoivent les allocations logement tout en continuant à figurer sur la déclaration d’impôts de leurs parents.
[2] Voir Le retour des domestiques, Clément Carbonnier et Nathalie Morel, La République des idées-Seuil, novembre 2018.
[3] « Étude sur les politiques d’exemptions fiscales et sociales pour les services à la personne », Clément Carbonnier, Nathalie Morel, LIEPP Policy Brief, Sciences Po, 2018.
[4] « Les dispositifs conjugaux et familiaux réduisent l’impôt sur le revenu de 29,7 milliards d’euros », Mathias André, Insee Analyses n° 53, Insee, juin 2020.
[5] « RSA : un non-recours de 35 % ? », Guillaume Allègre, Blog de l’OFCE, 10 janvier 2018.
[6] Voir « Ces patrons français favorables à une hausse des impôts des plus riches »,Véronique Chocron, Le Monde, 8 septembre 2020.
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par Nolwenn Weiler
Pour répondre aux crises économique, sociale et écologique qui étouffent nos sociétés, les travailleurs doivent participer au gouvernement des entreprises, défend Isabelle Ferreras, professeure de sociologie et coautrice du Manifeste Travail.
Basta ! : Dans votre ouvrage Le Manifeste Travail. Démocratiser, démarchandiser, dépolluer [1], vous écrivez qu’il est devenu « injustifiable » de ne pas émanciper les travailleurs en leur accordant la citoyenneté dans l’entreprise. Pourquoi ?
Isabelle Ferreras [2] : Les travailleurs sont essentiels, cela a été dit et répété maintes fois depuis le début de la crise du coronavirus. Mais pour l’instant, ce ne sont que des mots. Ce caractère « essentiel » n’est pas reconnu concrètement au sein des entreprises qui poursuivent leur logique extractive vis-à-vis des travailleurs et de la planète. Ne parle-t-on pas de « ressources humaines » ? Cela contrevient au principe d’égale dignité de chacun. Et ce n’est pas sérieux non plus au niveau de l’efficacité. Car si les entreprises tournent, c’est parce que les travailleurs y sont investis. Ils investissent leur personne, leur intelligence, leurs émotions et jusqu’à leur santé morale et physique. En période de pandémie, nous l’avons tous et toutes constaté, certains y ont même investi leur vie. Et pourtant, ils sont tenus à l’écart du gouvernement des organisations qu’ils constituent.
Sans les travailleurs, cela ne sert à rien d’avoir du capital. Les grands patrons comme Jeff Bezos, qui dirige Amazon, l’ont bien compris. Et pour conserver leur pouvoir, ils préfèrent entretenir la fiction qui prétend que l’on pourra un jour se passer des travailleurs grâce à la technologie. Ce qui leur permettrait de définitivement ne plus se préoccuper de droit du travail.
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Selon les données du Secours catholique, qui a accueilli 1,4 million de personnes dans le besoin en 2019, la pauvreté extrême augmente en France. Et c’était avant la crise sanitaire et sociale liée à la pandémie.
Avec 2 à 9 euros de « reste pour vivre » par jour et par personne, qui serait en capacité de boucler son budget ? C’est l’alerte lancée par le nouveau rapport du Secours catholique qui dresse un état de la pauvreté en France en 2020 [1]. En 2019, cette association a accueilli 1,4 million de personnes en situation de pauvreté dont le revenu médian est de 537 euros par mois, soit largement en dessous du seuil de grande pauvreté (fixé par l’Insee à 715 euros par personne). Le taux d’extrême pauvreté augmenterait de 27 points selon le rapport, avec un basculement particulièrement important pour les personnes seules et les familles monoparentales.
Parmi les données marquante figure celle du « reste pour vivre », ce qu’il reste une fois déduites toutes les dépenses contraintes – loyer, factures d’eau ou d’électricité, assurance, abonnement téléphonique, dettes, cantine... Pour la moitié des personnes accueillies par le Secours catholique, le reste pour vivre est inférieur à 9 euros par jour. Selon leurs calculs, une personne pour se nourrir a besoin d’au moins 7 euros par jour. Or, pour une famille sur quatre, ce reste à vivre est inférieur à 4 euros, ce qui implique qu’ils ne peuvent pas se nourrir correctement. « Près du quart des personnes que nous accueillons, essentiellement des étrangers dont la vie est suspendue indéfiniment à des aléas administratifs, n’ont même aucune ressource financière », précise le rapport.
- © Secours catholique
Les dépenses contraintes absorbent plus de la moitié des ressources des ménages en situation de précarité
Les dépenses contraintes représentent un poids considérable dans le budget des ménages en situation de précarité. Elles absorbent plus de la moitié (56 %) de leurs ressources disponibles et sont constituées pour l’essentiel par le logement et les dépenses d’énergie et d’eau [2], contre 30 % en 2011 [3]. Pour un quart des ménages, les dépenses pré-engagées absorbent plus des trois quarts des ressources disponibles ! Autrement dit, une fois l’ensemble des factures payées, ces ménages disposent de moins d’un quart de leur petit revenu à allouer à l’ensemble des autres dépenses de la vie courante.
Un ménage sur deux dispose de moins de 321 euros par mois pour couvrir l’ensemble des autres dépenses de la vie courante, incluant les frais de transport ou de santé, ainsi que leurs besoins de base en alimentation et en habillement. « Alors il faut jongler, en permanence, trouver des solutions. Il faut se priver, se serrer la ceinture sur tout, ne chauffer qu’une pièce sur deux, parfois renoncer à recevoir chez soi ou décliner les invitations des enfants aux anniversaires, faute de pouvoir offrir un cadeau », illustre le rapport. Cela se traduit par des impayés dont le montant médian est de 750 euros. Les dépenses alimentaires sont parfois privilégiées au risque de ne pas être en mesure de payer un loyer ou des factures.
Pour un revenu minimum garanti
« Notre rapport vient confirmer ce que la crise sociale actuelle a révélé au grand jour : notre système social ne protège plus suffisamment les plus pauvres », résume la présidente du Secours Catholique, Véronique Fayet. Or, « plus on aide les personnes qui sont en situation de pauvreté, plus on facilite leur retour à l’emploi ». L’association milite donc « pour un plancher social qui nous protège tous ».
Elle demande l’instauration d’un revenu minimum garanti sans contreparties. Ce dernier marquerait quatre inflexions fortes par rapport au RSA. Son montant serait de 893 euros, un niveau jugé « suffisant » par le Secours catholique pour permettre de vivre une existence sans privation majeure. Ce minimum vital doit également être accessible aux jeunes dès 18 ans et aux étrangers dès l’obtention de leur titre de séjour. Il doit aussi constituer un véritable revenu socle, inaliénable, sans contreparties. Enfin, son versement doit être automatisé pour réduire le risque de non-recours. En 2019, entre 29 % et 39 % des ménages éligibles au RSA ne le percevaient pas.
Enfin, d’après la présidente du Secours catholique interviewée par Le Parisien, la barre des 10 millions de pauvres risque d’être franchie en 2020, alors que la France comptait 9,3 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, soit 1063 euros par mois, en 2018. Quasiment une personne sur six.
Sophie Chapelle
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par Malika Barbot
Des articles de la loi de finances 2021 donnent accès aux agents de Pôle emploi à encore plus de données personnelles des demandeurs d’emploi. Objectif : vérifier, encore et toujours, qu’ils ne sont pas des « fraudeurs ».
C’est un nouvel exemple de la « chasse au chômeurs qui se met en place, et non au chômage. On stigmatise les privés d’emploi », assène Chantal Rublon, secrétaire régionale à la CGT Pôle emploi Bretagne et élue au comité social et économique de Pôle emploi. Un article s’est discrètement glissé dans la loi de finances 2021 lors de sa modification au Sénat, en décembre. Il prévoit un contrôle encore renforcé des chômeurs via l’accès à une série de données personnelles accordé aux agents chargés de la prévention de la fraude à Pôle emploi [1].
Les agents auront le droit de consulter tout un panel de documents dans le but de contrôler la véracité des déclarations des demandeurs d’emploi et « l’authenticité des pièces produites en vue de l’attribution et du paiement des allocations, aides ainsi que de toute autre prestation servies par Pôle emploi ». Les données d’un compte bancaire ou de téléphonie sont par exemple concernées. L’article de la loi de finances ajoute qu’en cas de refus de donner accès à ses documents, sous 30 jours, par voie numérique, le demandeur d’emploi encourt une amende de 1500 euros. Par ailleurs, un amendement déposé le 7 novembre par le gouvernement, et adopté, permettra aussi aux agents de Pôle emploi d’accéder aux informations contenues dans le fichier Ficovie, qui recense les contrats d’assurance vie (voir l’amendement (n°II-3350)]).
Pour les travailleurs de Pôle emploi, tout cela « pose un problème éthique, juge Chantal Rublon. Nous recevons des personnes privées d’emploi et elles sont immédiatement considérées comme des voleurs. En plus de demander des données personnelles pour justifier que le demandeur n’est pas feignant ni fraudeur, on culpabilise les gens. »
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