C’est le premier procès d’une longue série à venir. Le 28 mai, six militants ont comparu au tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse pour « vol en réunion et par ruse », après avoir décroché le portrait d’Emmanuel Macron dans une mairie, en vue de dénoncer le vide de sa politique. Pour cette photo qui vaut moins de dix euros sur la boutique de l’Élysée, le procureur a requis des peines de 1000 à 2000 euros d’amende. Les avocats des prévenus ont demandé la relaxe en faisant valoir « l’état de nécessité ». Récit de l’audience.
« Je n’ai pas le profil de la super héroïne du climat ». Anne-Sophie Trujillo Gauchez est visiblement émue, devant les applaudissements nourris de quelque 500 personnes venues en soutien. Ce 28 mai, elle comparait au tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse avec cinq autre prévenus pour « vol en réunion » aggravé par « l’utilisation de la ruse ». Le 3 mars, ces six militants de l’association Action Non Violence Cop21 (ANV COP21) ont décroché un portrait d’Emmanuel Macron à la mairie de Jassans-Riottier dans l’Ain, pour symboliser l’inaction politique face au dérèglement climatique. Pour ces deux chefs d’inculpation, ils encourent chacun 150 000 euros d’amende et dix ans de prison. Des peines bien lourdes au regard d’un portrait qui, sur le site de la boutique de l’Élysée, coûte 8,70 euros.
« On est des lanceurs d’alerte ! »
Le procureur n’entend pas que ce procès puisse devenir celui de l’inaction climatique du gouvernement. « Nous sommes devant un tribunal correctionnel où nous sommes saisis de vol. Nous sommes là pour dire s’il y a eu ou non infraction. » Son avis est suivi par le président du tribunal qui refuse l’audition des trois témoins de la défense, considérant qu’ils ont été appelés « pour soutenir une thèse » et non pas parce qu’ils connaissent les prévenus ou étaient présents lors de l’action [1]. Les échanges lors de l’audience vont pourtant rapidement amener les débats sur le fond. « On a décroché cette photo pour montrer que l’État décrochait de ses objectifs climatiques, explique Hélène Lacroix Baudrion, professeure de mathématiques en éducation prioritaire. Les émissions augmentent et il y a un décalage énorme entre ce qu’il faudrait faire et ce qu’il se passe vraiment. »
« - L’État décroche de ses engagements, c’est ça l’idée ?, résume le président. Vous en avez fait quoi de ce portrait ?
– On le sort pour montrer la réalité climatique. Dans le Beaujolais par exemple, on a un problème de pesticides. Nous avons donc amené le portrait lors d’un rassemblement des coquelicots [un mouvement contre les pesticides, ndlr] [2].
– Vous emmenez donc Macron manifester pour voir la réalité climatique ? Avez vous l’intention de rendre cette photo ou y a t-il des conditions ?
– Il y a des conditions : que la France respecte les engagements qu’elle a signés.
– Donc, c’est lointain ! » lance le président du tribunal, plongeant la salle d’audience entre rires jaunes et désarroi. Le procureur n’hésite pas, lui, à parler de « chantage ». « Au contraire, défend un prévenu, si on le fait c’est aussi parce que l’on croit encore en la capacité des politiques. On est des lanceurs d’alerte et on leur dit : "il faut y aller !" »
