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Difficile de mettre en place une véritable sobriété sans remise en cause de nos modes de vie. Viser plus de profit, acheter toujours plus ou multiplier les publicités qui nous y poussent nuisent aux économies d’énergie.

La sobriété, un pilier de la transition écologique ? Un nombre grandissant d’experts et d’institutions l’exigent pour économiser l’énergie, pourtant la sobriété reste dans l’angle mort des pouvoirs publics. Sans transformations profondes de nos modes de vie, la France pourra-t-elle être à la hauteur des enjeux environnementaux ? Enquête sur une démarche prometteuse, mais marginalisée.

« Décoloniser les imaginaires », mener une « bataille culturelle », bâtir un « nouveau récit »... Ces termes peuvent surprendre dans la bouche d’économistes, d’ingénieurs et autres spécialistes de la sobriété. Ils reviennent pourtant en permanence lorsqu’ils évoquent les raisons pour lesquelles cette démarche peine tant à convaincre. À les écouter, la sobriété ne serait pas qu’une question de kilowattheures, mais aussi de culture. Sans remise en question profonde de notre compréhension du monde et de nos normes sociales, construire une société sobre serait impossible.

« Depuis le début de l’exploitation des énergies fossiles, nous sommes entrés dans une forme d’hubris fondée sur l’idée de disponibilité permanente des ressources », explique Barbara Nicoloso, directrice de l’association Virage Énergie et autrice du Petit traité de sobriété énergétique (éd. Charles Léopold Mayer). Quoique cette croyance s’avère « totalement fausse », elle continue de structurer notre culture et l’organisation de nos sociétés, rappelle-t-elle. Et autorise des habitudes de consommation effrénées.

Le caractère invisible des « macro-systèmes techniques » qui produisent notre énergie contribue pour beaucoup à cet imaginaire de profusion, selon Bruno Villalba, professeur de sciences politiques à AgroParisTech et coordinateur de l’ouvrage Sobriété énergétique — Contraintes matérielles, équité sociale et perspectives institutionnelles (éd. Quae). « Lorsque vous allumez une bougie, vous voyez l’énergie diminuer puis disparaître, cela permet de se rendre compte du caractère fini de la ressource. Avec l’abondance énergétique invisibilisée, tout cela est différé. Quand nous appuyons sur un interrupteur, nous mettons en place toute une logistique allant des mines d’uranium aux centrales nucléaires, sans la voir. Les conséquences écologiques sont mises à distance. »