Par Dorian Guinard

« La lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité ne souffre aucune pause », estime le chercheur Dorian Guinard en réponse à Emmanuel Macron qui réclame une pause règlementaire même en matière environnementale.

Le président de la République Emmanuel Macron, dans un discours prononcé le 11 mai sur « la stratégie pour accélérer notre réindustrialisation », a employé une expression qui a fait couler beaucoup d’encre : « On est devant en terme réglementaire, des Américains, des Chinois ou tout autre puissance au monde. On s’est donné les objectifs 2050, 2030 pour décarboner, réduire les phytos etc. Moi j’appelle à la pause réglementaire européenne. Maintenant il faut qu’on exécute. Il ne faut pas qu’on fasse de nouveaux changements de règles parce qu’on va perdre tous les acteurs ».

Cette séquence, qui a éclipsé d’autres annonces notamment sur le crédit d’impôt « industrie verte », pose évidemment de multiples questions. Elle envoie assurément un signal, si ce n’est désastreux, au minimum (très) inquiétant. Car disons le clairement : la lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité ne souffre aucune pause.

L’expression ne signifiant a priori rien de vraiment précis, le sens de la formule a été explicité le 13 mai par la Première ministre : il ne s’agit pas de suspendre - exit ainsi le moratoire demandé par le parti populaire européen et évoqué par l’eurodéputé François-Xavier Bellamy - ou d’abroger les normes existantes mais bien de « s’employer à les mettre en œuvre » selon les mots d’Élisabeth Borne. Il reste que l’allocution présidentielle évoque des objectifs dans son discours : seront-ils tenus par les normes actuelles, telle est donc la question.

La réponse est très certainement négative, tant concernant le climat que la réduction (drastique) de l’utilisation des pesticides, une des clés pourtant pour préserver la biodiversité sous nos latitudes avec l’arrêt de la destruction des habitats des espèces.

« Les normes actuelles ne suffisent pas »

Commençons par le climat. Les normes actuelles européennes ne suffisent probablement pas [1], même intégralement appliquées, pour respecter l’objectif de + 1,5° par rapport à l’ère préindustrielle fixé par l’accord de Paris : toute l’Europe semble avoir intégré - avec une forme de résignation politique clairement condamnable - que ce seuil serait atteint vers 2030 et que respecter l’objectif n’était plus une trajectoire atteignable.

« Le retard pris sur les objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre appelle davantage de normes »

La question reste posée, pour les mesures actuelles européennes, de savoir si elles permettent de s’inscrire dans une trajectoire conciliable avec +2°. Précision : un monde à +2° implique notamment une disparition de 99% des coraux.

La pause réglementaire évoquée résonne ainsi étrangement quand dans le même temps le gouvernement se prépare, à travers principalement les déclarations du ministre de la Transition écologique - on lui reprocherait de ne pas le faire au demeurant - à une France à +4°, et +3° à l’échelle de la planète. Ce qui, selon les mots du climatologue Christophe Cassou, auteur principal du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), n’est pas réellement une situation viable.

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