Roger Martelli analyse les récents résultats électoraux, les difficultés et points aveugles de la gauche. Il les inscrit dans une perspective historique longue. Il réaffirme le besoin d’une gauche radicale, non sectaire, moderne et populaire. Contribuer à cet objectif est la raison d’être de Regards.
Loin d’être éclairci, le paysage politique s’est embrumé. La gauche rassemblée dans un Nouveau front populaire a profité d’une conjonction, celle d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle et d’un « front républicain » inattendu. À la surprise générale, elle est arrivée en tête en nombre de sièges. La tradition républicaine voudrait donc qu’elle assume à son tour les responsabilités gouvernementales. Le Président en exercice s’y résoudra-t-il ? A cette heure, on en doute, sans qu’on sache d’ailleurs ce qu’il adviendra d’une unité à gauche bien fragile. Dans tous les cas, la gauche devra prendre la mesure de la réalité, dans toutes ses dimensions.
L’état des lieux global
1. Le second tour législatif a montré ce que l’on avait presque fini par oublier : la « dédiabolisation » du Rassemblement national est réelle, mais sa force de répulsion n’a pas complètement disparu. L’Élysée et une grande partie de la droite ont joué la carte des « deux dangers », stigmatisés à parts égales. Au bout du compte, une grande partie des électorats de droite ont considéré qu’il n’y avait pas équivalence des risques et ils ont repoussé la vieille tentation du « Plutôt Hitler que le Front populaire ». Dans une Europe qui cède de plus en plus à l’aventure de l’extrême-droite, l’électorat français a donné une majorité relative des sièges à la gauche pour conjurer le spectre d’un Rassemblement national au pouvoir. Ce n’est pas rien.
Mais le second tour n’a effacé ni le résultat des élections européennes, ni les chiffres inquiétants du premier tour législatif. L’extrême droite est passée de 15,7% à 24% entre 2017 et 2022 ; deux ans plus tard, elle passe de 24% à 34,4%. La gauche, elle, était tombée à 26,8% en 2017 ; en 2022, elle est remontée à 30.5% ; en 2024, elle plafonne à 30,9%. Le résultat est ainsi sans appel : la gauche reste dans ses basses eaux. C’est donc l’extrême droite qui bénéficie du désarroi populaire et du discrédit qui en résulte pour la droite classique, dans toutes ses composantes, de la Macronie jusqu’aux Républicains. La droite est malade, mais la gauche n’en profite pas.