mega888 Joomla - A propos de la dette

Les Français et le pays vivent-ils au-dessus de leurs moyens ? 

Il est indéniable que la dette publique a augmenté ces dernières années, mais cela signifie-t-il que nous vivons au-dessus de nos moyens ? Selon les libéraux, le dérapage des finances publiques s’explique par la dérive des dépenses publiques. François Bayrou a ainsi déclaré que « nous sommes devenus accros à la dépense publique ». Or, la hausse de la dette publique ces dernières années ne peut pas s’expliquer par une hausse des dépenses publiques, puisque celles-ci sont stables ! Selon l’INSEE, entre 2017 et 2024, elles sont en effet passées de 57,7% du PIB à 57,3% du PIB.

Tout le discours des libéraux consiste à recycler le « There is no alternative » de Margaret Thatcher. Ce serait soit un budget injuste qui affaiblirait encore davantage les services publics et la protection sociale tout en précarisant davantage les plus précaires (doublement des franchises médicales, gel des prestations sociales, énième réforme de l’assurance-chômage, suppression de 3000 postes de fonctionnaires…) soit la catastrophe.

Pour faire accepter cela, il est nécessaire de nous culpabiliser et nous effrayer. Cela fait donc des mois que les macronistes préparent l’opinion à une cure d’austérité sans précédent en tenant ce discours d’un État vivant au-dessus de ses moyens.

Ils sont même allés jusqu’à agiter la menace d’une intervention imminente du FMI pour faire accepter leur budget massivement rejeté par la population.

Rappelons qu’en face de la dette publique, il y a un patrimoine : l’État détient des bâtiments, des terrains, des actions, des œuvres d’art… Or, ce patrimoine est supérieur à la dette, si bien que le patrimoine net (la différence entre le patrimoine et la dette) était de 735 milliards fin 2023. La dette ne s’est pas créée par de l’argent jeté par les fenêtres, elle a servi à financer des investissements publics dont bénéficieront les générations futures. Ce que les gouvernements vont léguer aux générations futures en revanche, c’est une dette écologique dramatique dont ils ne se sont guère souciés.

D’où vient la dette ?

La dette publique a été creusée par l’accumulation de budgets déficitaires. Depuis 1974, les déficits publics sont systématiques, avec des pics lors de la crise financière de 2008 et celle du Covid. Notre dépendance aux marchés financiers a accentué le phénomène, puisque nous nous sommes condamnés à verser des intérêts à nos prêteurs sans avoir de maîtrise des taux d’intérêt.

Mais si on regarde la situation depuis 2017, on constate que la dette a surtout été creusée par les baisses d’impôts et de cotisations sociales : l’État s’est privé volontairement de recettes.

Ainsi, entre 2017 et 2024, les recettes publiques sont passées de 54,3 % du PIB à 51,4% selon l’INSEE.

Depuis 2017 la dette publique a été creusée par les baisses d’impôts dont ont bénéficié les plus riches et les grandes entreprises. Attac a montré dans son rapport “La dette de l’injustice fiscale”[1]  que depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les baisses d’impôts et de prélèvements représentent au moins 308 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances publiques, dont 207 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Les plus riches ont profité du remplacement de l’ISF en IFI qui ne taxe que le patrimoine immobilier et du prélèvement forfaitaire unique, ou flat tax, qui taxe les revenus financiers au taux proportionnel de 30% et non plus selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Quatre rapports du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital ont montré que ces deux réformes n’ont eu aucun effet sur l’investissement et l’emploi (pas de ruissellement) mais ont aggravé les inégalités en faveur des très riches. Les 20% des ménages les plus aisés ont capté 45% des gains liés à la suppression de la taxe d’habitation. Quant aux grandes entreprises, elles ont été les grandes gagnantes de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés de 33,3% à 25% et de celles des impôts de production, tandis qu’un rapport du Sénat a montré que les aides publiques aux entreprises sont devenues le premier budget de l’État (211 milliards) et sont versées sans condition, ni contrôle, ni transparence.

Quelles solutions face aux besoins de financements du pays ?

Il est inacceptable de demander des efforts à l’ensemble de la population alors que les ultra-riches se sont considérablement enrichis depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et qu’ils échappent à l’impôt. De plus, non seulement il ne faut pas réduire les dépenses publiques, mais il faut trouver de nouvelles sources de financement pour l’école, la santé, le logement, la bifurcation écologique…

Au lieu de faire payer toute la population, il faut mettre fin aux privilèges fiscaux des ultra-riches. C’est ce que permettrait la taxe Zucman, qui rapporterait entre 15 et 25 milliards d’euros et viendrait corriger une anomalie : il est injustifiable que les 0,1% les plus riches payent proportionnellement moins d’impôts que le reste de la population.

Il est également possible de récupérer de 17 à 19 milliards en remettant en cause les niches climaticides et en procédant à une revue des niches les plus coûteuses et injustes[2], comme le pacte Dutreil, qui permet des économies d’impôts considérables aux ultra-riches transmettant une holding familiale et contribue à la reconstitution d’une société de rentiers.

À elles-seules, ces deux mesures rapportent déjà les 40 milliards que le gouvernement dit chercher. Il faut cependant aller plus loin en réorientant profondément la politique fiscale à l’œuvre depuis 2017. Il faut non seulement rétablir un Impôt de Solidarité sur la Fortune, mais le rénover pour en élargir l’assiette et supprimer les “trous dans la raquette” de l’ancien ISF, ce qui pourrait rapporter 10 milliards par an. Il est également indispensable de rétablir la progressivité de l’imposition des revenus financiers en supprimant la flat tax, ce qui rapporterait 9 milliards selon l’OFCE.

Par ailleurs, nous ne pouvons plus tolérer que 40% des profits réalisés par les multinationales soient délocalisés artificiellement dans des paradis fiscaux, ce qui mine considérablement les recettes de l’impôt sur les sociétés. La taxation unitaire mettrait fin à ce problème et permettrait de récupérer les 18 milliards qui échappent chaque année au fisc.

Enfin, il faut réduire les aides publiques versées aux grandes entreprises et les conditionner : préservation de l’emploi, critères écologiques, absence de filiales dans des paradis fiscaux…

Raphaël Pradeau
Économiste
Porte-parole d’Attac

[1]   https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/rapport-la-dette-de-l-injustice-fiscale
[2]   https://france.attac.org/nos-publications/notes-et-rapports/article/note-qui-veut-gagner-des-milliards-en-finir-avec-les-niches-fiscales-injustes

Qui paie la TVA ?

Tout le monde paie au moins la TVA, impôt dont on a vu qu’il est celui qui rapporte le plus, même un enfant s’achetant un bonbon, un sans-abri ou un réfugié sans papier s’achetant un repas. Et comme c’est un impôt injuste car indépendant des revenus du consommateur, les personnes les moins riches dépensant la plus grande partie de leurs revenus (sans possibilité d’épargner) sont donc celles qui paient proportionnellement le plus la TVA…

Donc ce n’est pas seulement Nicolas qui paie, comme voudrait nous le faire croire l’extrême droite, mais aussi Fawzïa, Aminata et Lucien !

Il est donc faux de dire que certaines personnes ne paient pas d’impôt ; si elles peuvent ne pas payer d’impôt sur le revenu, elles contribuent très largement au budget de l’État par la TVA.

CGT Finances publiques