Voilà douze ans que deux salariés de la coopérative agricole Triskalia ont porté plainte, suite à leur intoxication aux pesticides. Sortis victorieux de leurs démarches côté civil, ils attendent toujours que la justice pénale se prononce.

Saignements de nez, céphalées et maux de ventre

« Le procureur devrait nous donner une réponse. Cela dure quand même depuis 2010 », retrace Stéphane Rouxel. Cette année-là, « deux petits ouvriers portent plainte contre une grosse boîte pour empoisonnement », explique-t-il pour résumer « l’affaire ». Tout a commencé en février 2009, à Plouisy, commune située à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Saint-Brieuc, dans les Côtes-d’Armor. Nous sommes sur le site agro-industriel de la coopérative Triskalia, où on stocke et transporte des céréales destinées à l’alimentation animale. Deux filiales, qui appartiennent à Triskalia, se partagent le travail : Eolys se charge du stockage, tandis que Nutrea transforme et transporte.

« On était vraiment mal. Il fallait qu’on s’éloigne pour ne pas tousser et avoir des plaques sur le corps. On s’est dit que ce n’était plus possible. »

Mal ventilées, les céréales stockées sur le site de Plouisy germent et moisissent. Des insectes s’y installent. Pour se débarrasser de tous ces nuisibles, les céréales sont aspergées de Nuvan Total, un pesticide interdit depuis 2007. Problème : les salariés chargés du transfert et du transport de ces céréales ne sont pas au courant. Parmi eux : Stéphane Rouxel et Laurent Guillou. Exposés sans protection, ils font de violentes réactions : brûlures du cuir chevelu et de la peau, saignements de nez, maux de tête, douleurs au ventre. « En 2010, j’ai ressenti les mêmes symptômes, évoque Stéphane. On ne pouvait même plus entrer boire un café dans notre local de pause, qui était plein de poussières remplies de produits. »

En jetant un œil aux pompes d’injection des pesticides, Stéphane constate un important surdosage de Nuvagrain, insecticide alors autorisé (mais interdit depuis). Le débit avec lequel est aspergé le produit toxique est trop important : « Les céréales étaient pulvérisées à hauteur de 40 à 50 %, au lieu des 10 % autorisés. ». Un autre salarié ainsi que le médecin de la mutualité sociale agricole (MSA, l’équivalent de la Sécurité sociale côté agricole) confirmeront ce surdosage. « Avec Laurent, on était vraiment mal. Il fallait qu’on s’éloigne pour ne pas tousser et avoir des plaques sur le corps. On s’est dit que ce n’était plus possible. On est partis à la gendarmerie. »