Il y a de quoi être inquiet. Après des jours de débats à la COP27 de Charm el-Cheick, qui succèdent à des mois de tractations, la montagne COP a accouché une nouvelle fois d’une souris. Non pas que le sujet soit simple et qu’il suffise de quelques palabres pour trouver une issue à un problème complexe. Et bien sûr, la recherche de la « justice climatique » pour les pays du Sud, exploités depuis des siècles au profit de ceux du Nord, qui aura occupé une large part des négociations, est un sujet essentiel. Il est juste qu’un pays comme le Pakistan, qui a subi les pires inondations de son histoire, puisse bénéficier de fortes aides. Ce pays qui émet moins de 1 % des émissions de gaz à effet de serre est aussi l’un des territoires les plus vulnérables au changement climatique. Une péréquation mondiale est nécessaire et la naissance d’un fonds d’aide financière aux pays vulnérables, ravagés par les effets d’un réchauffement climatique dont ils ne sont pas responsables, est une bonne nouvelle.

Mais les discussions internationales sont très loin du rythme de l’accélération phénoménale du changement climatique et de ses effets. Les ravages au Pakistan auraient dû amener toutes les parties à une autre conclusion : nous n’avons plus le temps. Le secrétaire général de l’ONU lui-même avait eu ces mots très forts au début de la conférence : « L’humanité a un choix : coopérer ou périr. C’est soit un pacte de solidarité climatique, soit un pacte de suicide collectif. » Or, à l’issue de la COP, il n’a pu que constater que les négociations concernant la lutte contre le changement climatique lui-même, c’est-à-dire la baisse des émissions de gaz à effet de serre, sont restées au point mort. Si l’objectif de maintenir le réchauffement planétaire à 1,5 °C a été repêché in extremis pour figurer dans le texte final de la COP27, ce n’est que pour éviter un effet de communication désastreux et une incapacité par trop visible à avancer. Selon les experts, nous allons vers un réchauffement estimé à 2,4 °C. Un seuil aux conséquences catastrophiques et donc très loin des objectifs affichés il y a maintenant sept ans à Paris. « L’objectif de 1,5 °C ne consiste pas simplement à maintenir un objectif en vie, il s’agit de maintenir les gens en vie », résume le secrétaire général de l’ONU.

Les résultats de la COP se lisent également à ce que son texte final ne dit pas. On cherchera en vain une référence à la sortie progressive des énergies fossiles. Et ce qui pourrait apparaître comme un simple détail rhétorique n’en est pas un. En refusant de mettre les fossiles à l’index, les puissants de ce monde viennent tout simplement d’ignorer sciemment la cause de ce qu’ils sont censés combattre. Les centaines de lobbyistes qui ont fait le voyage en Égypte ont eu le dernier mot. Les entreprises de l’énergie, si puissantes dans le capitalisme actuel, sortent indemnes de Charm el-Cheick. C’est du moins ce que leurs dirigeants croient, aveuglés par la logique du profit immédiat. Or, le sujet du réchauffement climatique a cela de particulier que personne n’en sortira indemne. « Coopérer ou périr », « pacte de solidarité ou suicide collectif », la surdité des multinationales à ces enjeux prouve une fois encore que l’avenir de la planète est un sujet bien trop sérieux pour le laisser entre leurs mains. Reprendre le pouvoir sur les outils de la transformation écologique semble donc la plus raisonnable des mesures pour accélérer dans cette course décisive.