mega888 Joomla - Lettre ouverte au Préfet de Seine-Saint Denis

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Monsieur le Préfet,


Le Réseau Education Sans Frontières 93 anime de longue date des permanences d'accès aux droits recevant des étrangers dans plus d'une douzaine de villes de notre département. Il y reçoit de très nombreuses personnes dont la situation administrative dépend du bon fonctionnement de vos services, qu'ils soient en situation régulière et cherchent à renouveler un titre ou à accéder à la nationalité, ou bien qu'ils aspirent à être régularisés au regard des possibilités offertes par la législation.
Le nombre considérable de personnes accueillies, l'activité quotidienne de nos militants et bénévoles nous permettent de dresser un constat terriblement inquiétant des dysfonctionnements auxquels doivent faire face ces hommes et ces femmes dans leurs relations avec les services de la préfecture depuis de nombreux mois.
Les faits que nous relatons sont tous étayés par de multiples cas individuels et des situations concrètes rencontrées et recensées dans nos permanences locales, trop nombreuses pour être jointes ici, mais que nous tenons à votre disposition, s'il en était besoin. Nous n'avons pas besoin d'insister sur l'angoisse, voire le désespoir, qu'ils génèrent.


1/ L'admission exceptionnelle au séjour : une procédure complexe et interminable

Les étrangers qui souhaitent bénéficier de cette procédure prévue par le Code de l'Entrée, du Séjour et du Droit d'Asile et mise en œuvre au travers de diverses circulaires, sont particulièrement maltraités.
Ils doivent passer par une demande de rendez-vous complexe qui donne lieu à un certain nombre de «classements sans suite » trop souvent injustifiés : les cas s'accumulent où les motifs de classement sont erronés et témoignent soit d'exigences abusives au regard de vos propres directives soit d'une lecture superficielle et inexacte du dossier. Ces rejets injustifiés font perdre 5 à 6 mois aux personnes qui n'ont d'autre recours réaliste que de recommencer la procédure.
Les délais de réponse sont démesurés à tous les stades de la procédure : selon nos constats, il s'écoule actuellement au moins 7 à 8 mois, voire près d'un an avant de recevoir le rendez-vous qui permettra de déposer un dossier au guichet et de se voir délivrer un récépissé. Ce qui peut donner lieu à 18 mois d’attente avant le rendez-vous pour dépôt.
Il faudra ensuite attendre un an, voire davantage, pour espérer une décision, quelle qu'elle soit.


2/ Des délais exorbitants aux conséquences graves
En attendant que l'administration veuille bien ouvrir le dossier puis prendre une décision de régularisation ou de refus de séjour, le temps passe, les récépissés s'accumulent, d'abord pour une durée de 6 mois puis ensuite avec une suite de récépissés de trois mois. 
Des cas de personnes nous sont remontés qui en sont à 8, 10 récépissés successifs qu'il est d'ailleurs très souvent impossible de renouveler avant expiration, faute de rendez-vous disponibles.
Le délai moyen pour voir aboutir une procédure d'admission exceptionnelle, entre le début de la procédure et son aboutissement est donc maintenant couramment de deux à trois ans.
Les récépissés remis dans ce cadre n'autorisent pas à travailler, même lorsque la personne a fait une demande de titre « salarié » ou vie privée et familiale et qu'elle dispose déjà d'un emploi ou au moins d'un contrat de travail.
Par voie de conséquence, sans accès au séjour et sans droit au travail, de nombreuses personnes (jeunes, familles en particulier) sont privées, pendant trop longtemps après le dépôt de leur dossier, de tout accès aux droits les plus élémentaires alors que beaucoup d'entre elles remplissent tous les critères pour être régularisées (au regard de la loi).
C'est aussi la possibilité de suivre une formation en alternance ou de s'inscrire à l'Université qui disparaît pour des jeunes. 

A noter que dans le cadre particulier des « métiers dits en tension », la circulaire du 5 février 2024 prévoit un traitement en moins de trois mois ; ce délai, nous le constatons, n'est pas respecté, entraînant le risque que l'employeur potentiel se lasse et renonce à l'embauche qui était prévue.

3/ Les premières demandes de jeunes majeurs

La loi demande aux jeunes étrangers devenant majeurs de faire leur demande de titre de séjour avant leurs 19 ans. Quelle est la bonne période compte tenu des délais de réponse des services de la Préfecture ? S’il faut commencer la procédure avant leurs 18 ans, face au constat qu'une anticipation de 2 mois a déjà conduit à un classement sans suite, quel serait le bon moment ?

4/ Une situation dégradée aussi pour les personnes en accès de droit , les étrangers en situation régulière et les changements de statuts.
Les demandes relevant d'un accès de droit à un titre de séjour sont traitées sur le site de l'ANEF (Administration Numérique des Etrangers en France). Si cette procédure est nationale, il nous apparaît que son traitement et son aboutissement relèvent des services préfectoraux. En tout cas, elle n'est pas exempte de problèmes.
Un certain nombre de demandes aboutissent à une clôture injustifiée du dossier alors que le système informatique ne reconnaît pas le n° AGDREF, ou parce que la situation est particulière, complexe ou atypique. De même, sur le site de la préfecture comme sur celui de l'ANEF, rien n'est prévu pour les étrangers qui veulent passer d'un titre étudiant, ou salarié, vers un titre « vie privée et familiale », vers la régularisation en tant que conjoint ou sur un autre motif. Dans ces cas-là, se retourner vers la préfecture est inopérant puisque la préfecture de Bobigny, dont vous avez la responsabilité, ne répond ni aux courriers recommandés ni aux démarches des associations.
Enfin tous les titulaires d'un titre de séjour, qu'il soit d'un an, pluri-annuel ou de dix ans, éprouvent eux aussi beaucoup de difficultés pour faire renouveler leur titre dans les délais : les créneaux de rendez-vous pour en faire la demande sont visiblement trop peu nombreux. Et les associations se retrouvent submergées de demandes qui n'auraient pas lieu d'être, émanant de personnes qui s'inquiètent du risque de perdre leur travail, leurs droits CAF ou leur logement, faute d'avoir pu fournir à temps leur nouveau titre de séjour.
En conclusion, un service public en grande carence et des dysfonctionnements systémiques Il nous apparaît que ces graves dysfonctionnements relèvent pour une part de la logique de dématérialisation totale des procédures qui a été mise en œuvre. De fait l'absence de réelle alternative (pas d'accès aux guichets sans rdv préalable, points d'accès numérique inaccessibles et sans personnel qualifié, absence de dialogue possible ou de recours effectif auprès des agents qui supervisent les systèmes numériques, …) est une des causes de difficultés.
Le manque de personnels disponibles et suffisamment formés est en partie aussi à l'origine des délais de traitement des dossiers et du nombre très insuffisant de rendez-vous au guichet, de même que, dans un autre registre, la délivrance encore très parcimonieuse des cartes de résident, voire des cartes pluriannuelles.
Mais au-delà de ces facteurs bien identifiés, il nous apparaît clairement que les carences constatées et les dysfonctionnements dont souffrent les étrangers dans ce département sont trop nombreux, répétés et durables pour ne pas faire système. Il faut s'interroger sur l'absence de volonté politique pour y remédier, voire sur la logique politique et sociale qu'ils révèlent, aux dépens de la dignité des personnes, de leurs droits et de la vocation du service public.

Pour la Coordination des collectifs et permanences locales
membres du Réseau Education Sans Frontières 93
José QUAZZA (RESF Montreuil)
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Jean-Michel DELARBRE (Permanences LDH de Rosny-sous-Bois)
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