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Par Sophie Chapelle

L’accord de libéralisation du commerce entre l’Union européenne et les pays du Mercosur – Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay – pourrait être conclu d’ici fin 2024. Basta! décrypte l’impact de cet accord sur l’agriculture française.

 

« La signature du traité du Mercosur, ça sera accepter de faire manger aux Français ce qu’on nous interdit de produire depuis plus de 30 ans en France », considère Jérôme Bayle, l’éleveur qui a initié le mouvement agricole à l’hiver 2024. La FNSEA, syndicat agricole majoritaire, et les Jeunes agriculteurs (JA) appellent à se mobiliser à partir du 18 novembre contre cet accord, qui « consisterait à brader notre agriculture ». La Coordination rurale a, pour sa part, promis « une révolte agricole » à compter du 19 novembre.

La Confédération paysanne et le collectif national Stop Mercosur – qui regroupe notamment Greenpeace, Attac, les Amis de la Terre, la CGT, FSU et Solidaires – se rassemblent ce mercredi 13 novembre devant le ministère de l’Économie et des Finances pour pousser l’exécutif français à se montrer bien plus offensif à Bruxelles, et obtenir l’abandon de l’accord. Basta! fait le point.

Qu’est-ce que le projet d’accord avec le Mercosur ?

Cet accord vise à libéraliser le commerce entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay. Il créerait la plus grande zone de libre-échange de la planète couvrant un quart du PIB mondial et 720 millions de personnes. Son contenu est négocié depuis 1999.

L’accord a été annoncé comme finalisé et « accordé en principe » en juin 2019. Les négociations actuelles portent sur une annexe et la Commission européenne a exclu de rouvrir les négociations sur le fond. Médias, parlementaires, organisations de la société civile n’ont pas accès aux documents de négociation. Ces négociations se déroulent donc en toute opacité.

Cet accord est souvent présenté comme un accord « viande contre voitures ». D’un côté, l’Union européenne veut exporter de l’industrie et des services, et prévoit en contrepartie d’exonérer de droits de douane 83 % des importations agricoles des pays du Mercosur. De l’autre, les pays du Mercosur ont obtenu des ouvertures sur tout un pan du secteur agricole européen.

Outre la viande bovine, 180 000 tonnes de volailles pourront être exportées sans taxe sur le marché européen sur une période de six ans. Un quota de 25 000 tonnes de viande porcine importée, avec une taxe de 83 euros par tonne, a aussi été accordé. 180 000 tonnes de sucre destiné au raffinage pourront entrer en Europe sans franchise de droits. Un quota de 450 000 tonnes s’ajoute enfin pour l’éthanol, sans droits de douane.

Le Mercosur est l’accord de libre-échange où la concession sur la viande bovine est la plus grande – avec l’arrivée de contingents de 99 000 tonnes, à laquelle s’ajoute l’admission d’un contingent de 30 000 tonnes déjà existant.

Selon la Commission, ces contingents ne représentent que 0,5 % de la consommation européenne de viande, soit un steak par habitant et par mois. « Sauf que la Commission ramène ce contingent à l’ensemble de la viande bovine consommée en Europe », souligne Baptiste Buczinski, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (Idele), co-auteur d’une étude concernant l’impact sur l’agriculture de l’accord entre l’UE et le Mercosur« Or, la quasi-exclusivité de ce contingent de 99 000 tonnes sera remplie par de l’aloyau, une partie de l’animal qui regroupe tout un tas de ’’pièces nobles’’ (filet, faux-filet, entrecôtes, bavette...). »

Ce segment est celui qui rapporte le plus de valorisation sur le marché européen. « Ouvrir à de l’import pour ce type de pièce noble, à des pays structurellement plus compétitifs, revient à menacer les revenus des productrices et producteurs de bétail de l’UE », ajoute le chercheur.

Surtout, le Mercosur est un accord parmi d’autres. Si on ajoute l’accord Ceta avec le Canada, l’accord avec la Nouvelle-Zélande qui vient d’être ratifié, celui avec l’Australie en cours de négociation, avec l’Inde, qui est le quatrième plus gros exportateur mondial et plus gros cheptel du monde... C’est bien la multiplicité des accords qui peut être problématique. « Quand on cumule les importations actuelles et les éventuelles ouvertures, ramenées au segment de l’aloyau, on importe 1,3 fois la production européenne de l’aloyau », décrypte l’agroéconomiste.