mega888 Joomla - Désintox – Pourquoi Bernard Arnault ne va pas délocaliser aux États-Unis

Par Pierre Joigneaux, à lire en entier en cliquant ICI.

Bernard Arnault menace de délocaliser la production de LVMH aux USA si la France persiste à vouloir « taxer » les grandes entreprises. Face à la menace, face aux réactions faussement apeurées de nos ministres, on s’est dit, à Fakir, que quelques rappels s’imposaient. Cinq désintox pour qui veut contrer la propagande de l’homme le plus riche du pays.

 

« Je reviens des USA et j’ai pu voir le vent d’optimisme qui régnait dans ce pays. Et quand on revient en France, c’est un peu la douche froide. Une taxe sur le ‘‘made in France’’ qui pousse à la délocalisation… C’est… incroyable… Pour pousser à la délocalisation, c’est idéal ! » Bernard Arnault, l’homme le plus riche du pays, à la tête d’une fortune personnelle de 200,3 milliards de dollars, a dénoncé ce mardi 28 janvier l’augmentation des impôts sur les (grandes) entreprises françaises prévue dans le budget 2025. Ce nouveau prélèvement, qui pourrait aller jusqu’à 40 % pour les entreprises réalisant plus de trois milliards d’euros de chiffre d’affaires, comme c’est le cas de LVMH, devrait rapporter en tout et pour tout 8 milliards d’euros à l’État cette année. Petite comparaison : le seul chiffre d’affaires de LVMH est de 84,7 milliards d’euros cette année. Et les dividendes et les rachats d’actions viennent de battre un nouveau record dans le pays, à hauteur de 98 milliards d’euros. Pourtant, Bernard Arnault menace de délocaliser aux États-Unis. Pas très patriote, tout ça, pour quelqu’un qui se targue de représenter « le luxe à la française ».

François Bayrou, notre Premier ministre, s’est empressé de préciser qu’il s’engageait à limiter l’application de cette surtaxe à une seule petite année. « Quand vous avez un grand entrepreneur qui exprime ce genre d’inquiétudes, il faut écouter » abonde, tétanisé, Benjamin Haddad, notre ministre délégué chargé de l’Europe. Le gouvernement tremble. Bernard Arnault enfonce le clou : « nous sommes fortement sollicités par les autorités américaines à continuer nos implantations d’ateliers. Dans l’environnement actuel, c’est quelque chose que LVMH regarde sérieusement… » La menace est claire, donc : oubliez vos mesures de justice fiscale ou nous nous barrons.
Problème : c’est du pipeau. Total. Désintox en cinq points.

1 – Non, si on les taxe, les riches ne vont pas se barrer.

Premièrement, beaucoup d’ultra riches et de grands groupes ne payent déjà pas leurs impôts en France, ou à des taux très faibles par rapport aux TPE et PME. ça s’appelle l’optimisation ou l’évasion fiscale. Selon l’économiste Gabriel Zucman, le taux effectif d’imposition des 370 ménages avec les revenus les plus élevés de France, est de seulement… 2 % !

Deuxièmement, quand l’impôt sur la fortune (ISF) existait, la part de contribuables redevables de l’ISF exilés à l’étranger était… ridicule : de l’ordre de 0,1 à 0,2 %.

Troisièmement, des taxes sur les grandes fortunes existent et ont déjà existé dans l’Histoire. Surprise : les riches ne sont pas partis pour autant. Aux États-Unis, pays cité comme modèle par Bernard Arnault, les hauts revenus ont même été taxés à… 91 %, sous Roosevelt ! Pendant près de cinquante ans, les États-Unis ont ainsi vécu avec un taux marginal d’imposition sur les très hauts revenus proche de 80%. Sans que les grandes fortunes ne quittent le navire. Et même si l’envie leur prenait de partir, une solution existe : l’impôt universel. Là aussi mis en place par les États-Unis, il permet à une nation de faire contribuer à l’impôt ses exilés fiscaux, où qu’il se trouvent sur le globe.

2 – Non, si on taxe les riches, le chômage ne va pas augmenter.

Bernard Arnault a visiblement une grande angoisse, le soir, dans son lit : que le chômage augmente. Parce qu’il le dit bien : « Si la mesure est appliquée, il ne faudra pas s’étonner si le chômage continue à monter ! » On le rassure : ça fait maintenant plus de sept ans qu’Emmanuel Macron multiplie les cadeaux au capital, aux grands groupes, sans aucune contrepartie. Ça fait même douze ans, si on inclut le quinquennat Hollande, que la France multiplie les cadeaux aux grandes entreprises. 175 milliards d’euros d’aide publique, chaque année, sans aucune contrepartie. Sans même parler du CICE, 100 milliards d’euros dilapidés entre 2013 et 2019, pour seulement une centaine de milliers d’emplois créés. Bien loin de la promesse du million d’emplois du président du MEDEF de l’époque, Pierre Gattaz. Mais surtout : malgré ce noël permanent pour le capital, le chômage augmente. Hier, on apprenait que le chômage allait connaître, en 2025, sa plus forte progression depuis dix ans (hors Covid), avec un taux de chômage de 8,5 % attendu pour la fin de l’année. Et encore, le réel taux de chômage en France est sans doute plus proche des 17 ou 18 %, comme on vous le révélait dans notre dossier Non, si on taxe les riches, le chômage ne va pas augmenter : il augmente déjà, malgré les cadeaux.