Les "journalistes" de Frontières sont-ils vraiment journalistes ?
De l'excellent site d'analyse des médias Arrêts sur image
Les images ont tourné cette semaine sur les réseaux sociaux, puis au sein des médias de l'empire Bolloré. Plusieurs employé·es du média d'extrême droite Frontières dans un jardin de l'Assemblée nationale, entouré·es par des collaborateurs et collaboratrices parlementaires de gauche, hostiles à leur égard. Ces dernier·es s'étaient réuni·es là, ce mercredi 9 avril, pour protester - justement - contre la publication le même jour du dernier opus du trimestriel Frontières. Pourquoi ? Dedans figure notamment une cartographie des collaboratrices et collaborateurs de LFI. Une partie du groupe, syndiqué·es à la CGT CP, s'en étaient ému·es la veille. "Au prétexte d'un travail d'investigation sur les collaborateurs de députés de La France insoumise, Frontières rend public de nombreuses données personnelles et confidentielles en renseignant leurs identités (...) Autant d'informations qui pourraient demain être utilisées par des groupuscules néonazis afin de cibler les salariés concernés".
Exfiltré·es de l'Assemblée nationale,les salarié·s de Frontières ont ensuite fait leur miel de ces images - précisément celles qu'ils étaient venus chercher - sur leurs réseaux, et sur les plateaux Bolloré, où la même musique a résonné toute la semaine : Frontières dérange, regardez la véritable violence est à gauche, la police de la pensée a encore frappé, imaginez si l'on avait fait la même chose à des journalistes de gauche ? Provocation, puis victimisation : un procédé particulièrement redoutable quand on dispose d'une telle caisse de résonance médiatique.
En attendant de savoir si Frontières conservera ses accréditations presse au sein de l'Assemblée nationale - Yaël Braun-Pivet a publié un premier communiqué à ce sujet - une question se pose : peut-on qualifier les "journalistes" de Frontières de journalistes ? Pour l'heure, c'est en tout cas comme ça que le Monde, l'AFP, Libé ou Franceinfo.fr, qui se sont tous penchés cette semaine sur la polémique, les appellent. Ce n'est pas étonnant : déterminer ce qui relève ou non du journalisme, et de la fiabilité d'une information, est souvent un puits sans fond, et il n'est pas certain - sur ce sujet en particulier - qu'il incombe aux journalistes de trier le bon grain de l'ivraie.
Un journaliste est-il journaliste quand il n'enquête qu'à charge, et presque jamais à décharge ? Quand sa vision du monde l'emporte sur les faits ? Quand il promène sa bonnette rouge dans toutes les manifestations de gauche, pour ensuite mieux se victimiser ? La mise en orbite de Frontières dans notre système médiatique pose ces questions, et moi-même ne suis pas certain de la réponse. Je note tout de même n'avoir pas réussi à écrire une seule fois, dans cette chronique "les journalistes de Frontières".